Thèmes

En plus des fiches descriptives des taxons présents dans le canton, l’ouvrage contient une introduction composée de plusieurs chapitres dont vous retrouverez des extraits ci-après.

Historique de la floristique vaudoise

Histoire 1Dans les lignes qui suivent sont retracées les grandes étapes de l’histoire de la floristique dans le canton de Vaud, depuis ses prémices au 17e siècle, jusqu’au début du 21e siècle. Rappelons que la floristique n’est qu’une des disciplines de la botanique. Elle recouvre divers domaines aussi différents que la systématique, la nomenclature, la physiologie, la morphologie, l’anatomie, la médecine par les plantes, etc. Dans cette approche historique ne seront considérées que les disciplines indispensables pour la connaissance de la flore, que sont la systématique et la géobotanique.

Histoire 4Au préalable, il est cependant nécessaire de relever que les grands penseurs de la botanique, ceux qui ont jeté les bases et décrit les grands linéaments (systématique, nomenclature) de la botanique, ne sont pas vaudois, en tout cas au début. En Pays de Vaud, le botaniste était, jusqu’à la fin du 19e siècle, un individu pratique, qui appliquait avec précision la théorie, la commentait, au besoin suggérait des aménagements, mais se gardait bien d’en proposer de nouvelles. Cela n’enlève rien à son mérite. Il a pratiqué – et pratique encore pour certains – la botanique de terrain (« de gros souliers », dit-on parfois avec condescendance), ce qui l’a amené à prendre conscience de l’altération du milieu naturel, de sa dégradation insensée, et de l’érosion de la biodiversité. Pour nous avoir ouvert les yeux, « les tâcherons de la petite fleur » ont droit à toute notre reconnaissance.


Le projet de l'Atlas de la flore vaudoise

Projet 2Ce chapitre décrit le contexte historique du projet, ses objectifs et les diverses étapes de sa réalisation. Ce projet de science participative n’a été possible que grâce à l’investissement conséquent sur le terrain, dans les herbiers et la littérature, de près de 200 bénévoles et leur encadrement logistique et scientifique durant plus de huit années. Retraçant le chemin parcouru du terrain à l’ouvrage, il présente dans le détail la méthode d’inventaire, avec justification des choix effectués, et rappelle l’importance du travail de validation. Enfin, il s’achève par la présentation du traitement rédactionnel des taxons (fiches descriptives) et l’évocation des encadrés thématiques qui parsèment l’Atlas.


Les milieux naturels du canton de VaudMilieux 2

Ce chapitre pose le cadre général de référence pour la rubrique « Écologie » des fiches consacrées aux espèces. Il présente d’abord les facteurs naturels qui conditionnent la présence des plantes : les différents types de roches (facteur géologique), décrites dans l’ordre chronologique de leur mise en place, les sols (facteur pédologique), avec une présentation simplifiée de leur diversité et de l’action qu’ils exercent sur les plantes, et les principales composantes du climat, notamment la température, dont l’impact majeur est mis en évidence par la description des étages de végétation.

 

Milieux 4

 

Les milieux sont ensuite décrits selon la typologie phytosociologique qui fait référence en Suisse (Delarze et al. 2015), dans laquelle chaque milieu végétal est défini par une combinaison d’espèces partageant des exigences écologiques semblables. Chaque milieu important du canton fait l’objet d’une brève description, qui comprend les facteurs écologiques qui le conditionnent, quelques-unes de ses espèces les plus typiques, et en général une photo. En premier viennent les climax, milieux pas ou peu modifiés par l’homme et dont la stabilité ne dépend pas de son action : les forêts surtout, mais aussi des milieux occupant des stations trop extrêmes pour la forêt (inondées, rocheuses ou de haute altitude). Puis viennent les milieux anthropogènes, partiellement ou totalement modifiés par des interventions humaines. Ils sont présentés dans un ordre décroissant de « naturalité », des lisières et coupes forestières aux milieux cultivés, rudéraux et bâtis, en passant par les prairies, pâturages et bas-marais.


Histoire de la végétation et du paysage vaudois

Avant la prise de conscience récente de l’érosion de la biodiversité et des changements climatiques, l’environnement semblait immuable ou presque. Pourtant, la flore, la végétation et les paysages qui nous entourent ont toujours changé, influencés par le climat d’abord, puis par les activités humaines. Mais à l’échelle d’une vie humaine, ces changements sont la plupart du temps imperceptibles.

Végétation 4Ce chapitre présente l’évolution du paysage végétal vaudois depuis la fin des glaciations, et, plus en détail, les révolutions qui ont marqué notre canton et sa flore depuis la parution du Catalogue de T. Durand et H. Pittier en 1882. En effet, si les activités humaines ont diversifié les paysages et la flore du canton jusqu’au 19e siècle (arrivée de nouvelles espèces au Néolithique, déboisements pour ouvrir des champs et des prairies), la modernisation de notre société au 20e siècle a plutôt conduit à une uniformisation et à un appauvrissement de la flore indigène. Le drainage des marais, l’endiguement des rivières, l’intensification de l’agriculture, la colonisation par les néophytes, la pollution atmosphérique et les changements climatiques sont autant de facteurs qui ont contribué à la régression, voire disparition, de certaines espèces. Certaines mesures prises ces dernières décennies améliorent ponctuellement la situation, mais cela reste souvent insuffisant.

Ce chapitre aidera le lecteur à mieux comprendre la progression ou la régression de certaines espèces, telles que présentées dans la synthèse et dans les fiches descriptives des taxons.


Les régions floristiques du canton de Vaud

Région 2Pour une description fine de la flore du canton de Vaud, il a été nécessaire de subdiviser celui-ci en unités géographiques caractérisées par des conditions écologiques propres, et donc des cortèges floristiques différents. T. Durand et H. Pittier, les premiers, ont établi une division du canton en districts et secteurs. Au milieu du 20e siècle, P. Villaret adapte cette division en s’inspirant des travaux de C. Biermann et établit une carte des régions floristiques du canton. Dans le présent Atlas, nous avons adopté une version simplifiée de la carte de P. Villaret, avec un canton divisé en quatre régions : le Jura, le Plateau, l’Adret lémanique et les Alpes. Chaque région est ensuite subdivisée en trois ou quatre secteurs.


Synthèse de l'évolution de la flore vaudoise

Des 2 700 plantes vasculaires indigènes, naturalisées ou subspontanées observées dans le canton depuis le 18e siècle, 2 463 ont été recensées durant la préparation de l’Atlas, de 2013 à 2021. Si l’on exclut les taxons de rang inférieur, ce sont 2 333 espèces, dont 1 861 appartenant à la flore indigène (72 % de la flore suisse), 403 exotiques naturalisées (néophytes) et 69 échappées de culture (subspontanées).

L’Atlas améliore considérablement la couverture du canton, en particulier pour les régions reculées et pour les espèces communes. Il confirme sa richesse floristique et sa responsabilité particulière à l’égard d’espèces absentes du reste de la Suisse.

Evolution 2 Evolution 3

La mise à jour des connaissances a aussi permis de mesurer l’ampleur des changements intervenus depuis la parution du Catalogue de 1882 : des espèces présentes à la fin du 19e siècle, une sur vingt manque aujourd’hui à l’appel. Il s’agit souvent de plantes menacées à l’échelle nationale, notamment de spécialistes de milieux qui ont été fortement dégradés au cours du 20e siècle par la pollution de l’air et de l’eau, l’intensification de l’agriculture (pelouses maigres ou sèches, marais, cultures d’hiver) et les corrections du réseau hydrographique (flore des grèves lacustres et des zones alluviales). À l’exception de quelques milieux où la situation semble se stabiliser, le rythme des disparitions s’accélère.

En dépit de ces pertes, la liste des taxons de la flore vaudoise s’allonge chaque année. Ceci s’explique par l’arrivée en nombre des néophytes, qui remplacent progressivement la flore indigène. Comme le montre la concentration des foyers de colonisation le long des voies de circulation et dans les centres urbains, leur diffusion est clairement liée aux activités humaines.

L’installation d’un nombre croissant d’espèces exotiques s’explique aussi par le réchauffement climatique. Celui-ci affecte l’ensemble de la flore, en favorisant l’essor des plantes thermophiles et en forçant les espèces qui craignent la chaleur à se retirer en altitude. L’ampleur de cette migration atteint presque 200 mètres en un siècle pour les plantes des climats les plus froids.

Evolution 5

 

La protection de la flore dans le canton

Protection 3La protection de la nature a longtemps été assurée par quelques acteurs spécialisés, associations de protection de la nature ou service de la conservation de la nature. Elle a été concrétisée d’abord par des réserves naturelles et des inventaires fédéraux de biotopes, qui constituent les principaux instruments de protection de la flore et ont été complétés par des interventions plus ciblées pour les espèces les plus menacées. Malgré ces mesures, comme le montrent les résultats de cet Atlas, la situation de la flore du canton continue de se dégrader. La situation est d’autant plus préoccupante qu’aux menaces déjà identifiées que sont notamment la disparition des milieux, la fragmentation des écosystèmes et les dépôts atmosphériques azotés s’ajoutent désormais les changements climatiques. Les efforts de conservation actuels doivent donc être renforcés, en adaptant si nécessaire les priorités aux nouveaux enjeux. Les inventaires fédéraux doivent être complétés par des inventaires cantonaux, et ceux-ci étendus à d’autres milieux menacés et aux habitats des espèces prioritaires insuffisamment protégées. Les mesures ciblées en faveur des espèces doivent aussi être renforcées, en intégrant les enjeux génétiques. Parmi les mesures urgentes, la mise en œuvre d’une infrastructure écologique fonctionnelle apparaît comme une nécessité pour permettre aux espèces de mieux s’adapter aux changements en cours. Protection 5Enfin, pour être efficace, la protection de la flore, et celle de la biodiversité en général, doit sortir de son pré carré traditionnel et être pleinement intégrée dans les politiques publiques agissant dans le territoire. Ce mouvement est déjà amorcé depuis quelques années avec les programmes de plusieurs services cantonaux, communes ou associations œuvrant en faveur de la biodiversité, celle-ci étant de mieux en mieux comprise comme relevant de la responsabilité collective.

 

Autres thèmes

L'Atlas contient également 83 encadrés thématiques : des articles d'une page concernant un sujet spécifique lié à la botanique, la géologie ou l'histoire du canton. Ci-après, un aperçu de quelques encadrés thématiques.

Narcisses

Les narcisses – espèce emblématique de La Riviera et pourtant menacée 

Chaque printemps, les hauteurs de Montreux s’ornaient autrefois d’un spectacle féerique : d’immenses tapis de narcisses blancs, si denses qu’on les voyait depuis Lausanne. Symbole fort de l’identité locale, le narcisse était à la Belle Époque un véritable ambassadeur de Montreux, au point qu’on en exportait des tonnes et qu’une Fête des Narcisses florissante marquait les printemps de 1897 à 1957. Mais ce rêve en blanc s’estompe. En l’espace de deux décennies, les prairies à narcisses ont perdu 60 % de leur superficie. La cause ? Des pratiques agricoles modernes peu compatibles avec les exigences de cette fleur emblématique, l’abandon des prairies pentues et la pression urbaine. Pourtant, tout n’est pas perdu : des efforts sont en cours pour freiner ce déclin, notamment grâce à l’Association Narcisses Riviera et au soutien des communes. Redonner leur place aux narcisses dans nos paysages, c’est préserver un pan précieux de notre patrimoine naturel et culturel. Une histoire de beauté, de mémoire… et d’espoir.

 

Vraconnaz

La Mouille de la Vraconnaz, fleuron des tourbières vaudoises

Nichée à la frontière du canton de Vaud, presque neuchâteloise, voire française, la Mouille de la Vraconnaz est une tourbière exceptionnelle à plus d’un titre. Cet encadré nous présente la plus ancienne réserve naturelle de Pro Natura (1911), ce site emblématique qui a su traverser les épreuves du temps, des extractions de tourbe à un glissement de terrain spectaculaire en 1987. Aujourd’hui encore, il porte les traces de ces bouleversements, entre plans d’eau persistants et recolonisation végétale. Si certaines espèces rares ont disparu, cette tourbière reste une des plus riche du canton, avec Carex chordorrhiza, Carex heleonastes, Tephroseris helenitis, Knautia godetii, Pedicularis sylvatica, Trichophorum alpinum et la plupart des spécialités des marais bombés. Reconnue à l’échelle nationale et européenne, notamment via le Réseau Émeraude, la Vraconnaz fait l’objet d’un plan de gestion ambitieux depuis 1984. Ce marais fragile, mais résilient illustre parfaitement les enjeux actuels de conservation : préserver un patrimoine naturel unique, tout en laissant à la nature le temps de se reconstruire. Un voyage fascinant dans un monde de mousse, d’eau et de mémoire vivante.

 

Mémoire sol

Mémoire du sol et conservation des espèces rares

Sous nos pieds sommeille un trésor invisible : des graines en dormance, enfouies parfois depuis des décennies, voire des siècles, dans le sol. Cet encadré explore la fascinante « mémoire biologique » des sols, à travers le concept de banque de semences. En perturbant ou décapant certains terrains — champs, forêts, bords de rivières — des espèces végétales oubliées peuvent soudain réapparaître, révélant un potentiel insoupçonné de restauration écologique. Le texte s’appuie sur plusieurs exemples concrets dans le canton, dont le spectaculaire renouveau du Pré Bovet, où un ancien champ intensif a vu refleurir une flore de milieux humides, riche en espèces rares figurant sur la Liste Rouge. Ces résurrections botaniques ne sont pas des cas isolés : d’autres espèces, parfois disparues localement depuis un siècle, ont été réveillées suite à des travaux forestiers ou des projets de renaturation. Le message est clair : préserver la biodiversité, c’est aussi préserver les sols et leur potentiel caché. Une invitation à repenser notre regard sur ces terrains apparemment banals, mais porteurs d’un avenir végétal insoupçonné.

 

Pessière

La pessière à Asplenium viride, une forêt hors sol

Que fait une petite fougère calcicole comme Asplenium viride au cœur d’une forêt acide dominée par l’épicéa ? Cet encadré lève le voile sur un paradoxe écologique fascinant : celui des pessières perchées sur substrat calcaire, appelées aussi « pessières sur blocs ». À travers l’exemple de cette forêt atypique, il retrace l’étonnant processus de formation d’un sol acide et riche en humus organique, suspendu au-dessus d’une roche calcaire, parfois né d’un simple éboulement ou d’un lapiez. En quelques décennies — ou siècles — mousses, lichens, feuilles mortes et microorganismes transforment peu à peu la roche nue en un terreau propice à la colonisation par des espèces acidophiles comme Vaccinium myrtillus ou Lycopodium annotinum. Le texte nous entraîne dans ces forêts discrètes du Jura et des Alpes, mystérieuses, humides, silencieuses, où les racines évitent soigneusement le calcaire tout en y poussant… juste au-dessus. Un voyage dans les subtilités du sol forestier, où le minéral et le végétal tissent un équilibre aussi fragile que spectaculaire.

 

Rosine Masson

Rosine Masson et son épervière

Découvrez l'histoire méconnue de Rosine Masson, botaniste vaudoise du XIXe siècle, dont la passion pour les plantes a laissé une empreinte discrète mais durable sur la floristique alpine. Aventurière des herbiers et exploratrice des montagnes suisses et françaises, elle a redécouvert des espèces oubliées, identifié des hybrides inédits... et parfois vu ses trouvailles attribuées à d'autres. Pourtant, son nom a quand même été inscrit dans l'histoire botanique grâce à une plante qui lui rend hommage : Hieracium massoniae. Plongez dans le parcours fascinant d'une femme de science trop longtemps restée dans l'ombre.

 

Vieux murs

Les vieux murs: un appel à les protéger

Saviez-vous que les vieux murs de pierres peuvent abriter une biodiversité insoupçonnée ? Cet encadré explore en détail comment les espèces végétales inféodées aux milieux rocheux – parois, falaises, éboulis – trouvent un habitat de substitution sur les murs anciens, en particulier ceux construits avec des pierres peu jointoyées. On y découvre comment la structure, l’exposition et la diversité géologique des matériaux influencent la richesse floristique, avec parfois jusqu’à 100 espèces recensées sur certains murs ! L’exemple du château de Chillon illustre à la fois le potentiel de ces habitats et leur fragilité, notamment face aux restaurations trop invasives. Le texte retrace aussi les résultats d’inventaires réalisés dans le vignoble de Lavaux et sur d'autres sites vaudois, révélant la présence d'espèces rares, exotiques ou naturalisées. Mais l’alerte est claire : la perte de ces murs, ou leur traitement inadapté, met en péril un patrimoine naturel discret mais précieux.

 

Caricion bicolori-atrofuscae

Le Caricion bicolori-atrofuscae, probablement disparu des Alpes vaudoises

Niché autrefois au bord des torrents alpins, le Caricion bicolori-atrofuscae est un groupement végétal rare et fascinant, aujourd’hui en voie d’extinction dans les Alpes vaudoises à cause du retrait des glaciers. Ce milieu pionnier, né du mariage subtil entre alluvions fines et dynamiques naturelles intenses, abritait une flore arctico-alpine unique. Mais les conditions qui permettaient son existence — dépôts sableux, perturbations régulières, été court encadré entre une neige tardive et un froid précoce — ne sont plus réunies. Là où la pente s’adoucit et que la dynamique s’essouffle, ce sont désormais les marais qui prennent le dessus, en l’absence des perturbations nécessaires à son maintien. Quelques espèces emblématiques subsistent çà et là, mais trop isolées pour que le milieu lui-même soit encore considéré comme présent. Accompagnant la disparition des glaciers, le Caricion bicolori-atrofuscae laisse derrière lui les traces fragiles d’un écosystème oublié, que seuls les plus attentifs peuvent encore deviner. Un patrimoine végétal discret, en sursis, à découvrir tant qu’il en reste encore quelque chose.